jeudi 30 novembre 2023

Autopsie de l'asphalte

 J'ai distillé roses
& draps
maculés de sang

Dans la famille des cordes
Donnez moi
 le violon
tzigane
au fil de l'eau

Ecoute ces cassures!
les branches qu'on dessoude
les chaines qui balancent
le muscle bateleur

Ecoute!

La pluie va tomber
et le ciel avec elle

Nous franchissons des ponts
et la foule avec nous
La reine n'a plus sa tête
Les anges jouissent en chœur

Ecoute!

La pluie va tomber
et le ciel avec elle

Les villes se ressemblent
avec leurs ponts et leurs hôtels
des voûtes des vitraux
des bancs des cimetières
des bars au coin des rues
des croix vertes
des passants carnivores

La pluie va tomber
et le ciel avec elle

Ecoute!

Las, sur un trottoir 
plus régulier qu'un verbe
j'écrase ma cigarette

Il faudra dire tout ça
un jour ou l'autre
Au revoir 
peut-être
sûrement
à deux marches de l'autel

Le ciel va tomber
et le ciel
et le ciel
avec elle


2009


Miroir d'eau




Narcisse est une lune déchue
"Déchu-hu-hu-uuuu"
redit Echo

Aux eaux dormantes l'astre est allé
mirer sa pomme vaniteuse

Aux eaux troublantes il s'est noyé
Les fleurs sont belles, vénéneuses

Miroir!
Mon Eau Miroir
Beau Miroir
D'eau
Dis-moi

si le reflet vaut tous ces Ô!
ces larmes pâles comme mes os
ces écarlates
ces doux mots

Le soir on nait marquise ou bien martyr
sous les néons bien impolis
des grandes villes

Le soir on est Art triste ou pantomime
derrière des murs de verre
entre les lignes

Narcisse n'a plus de jambes
"de jaaaan ammmmbes"
redit Echo

Comme une fleur des eaux salées
Il pleure des vagues et des silences
qui font des ronds
des ri-co-chets
là sur la glace des apparences

Miroir
Mon Eau Miroir
Beau Miroir
D'eau
Dis-moi

Si la surface détient la faux
Si l'âme déteint sur les coraux
étranges corps qui dorment
au gré des flots

D'un sommeil de lys
où Belle Ophélie
dans son lit de pétales
sourit

D'un long songe bleu
où ma belle folie
dérive
tout doux
vers la mort



2009


Les Fables des fontaines




















Les chants de la Fontaine
sont-ce nos amours mortes?
Les herbes ont poussé
nos veines, tari

Il y eut une aube et une nuit

L'eau nous rassemble
dans ses bras nus
Le Sphinx cache l'Ondine
Le jeu des eaux
scellées aux pierres
comme mon œil
à ton cuivre

L'eau nous ressemble
Infiniment
Souffleuse de rêve
Cracheuse d'âme
qui aime l'air
de temps en temps

L'Ombre s'allonge
Les brumes serrent

Je t'ai trouvée
si belle

Il y a longtemps
Il y a longtemps

Les Fables des Fontaines
parlent de nymphes et d'hirondelles
dans tes jardins très à l'anglaise

Laisse nos coeurs reposer
près de ces sources indolentes

Il y eut une aube et une nuit

Un éternel recommencement



2009

lundi 10 juillet 2023

Ex cathedra

J'aime les églises
J'aime pénétrer leurs nefs
hanter leur chœur
Il y fait toujours frais
Une église c'est un peu
comme une aurore
un matin conquérant
quand tout l'espoir du monde
cogne aux tempes
J'aime les églises
Davantage en été
Derrière leurs battants
on échappe aux chaleurs
accablantes
qui vous bitument
les poumons
mieux qu'un embaumeur
de Memphis
J'aime les églises
Ne vous risquez pas
à passer chez moi
à l'improviste
quand vient juillet
Vous ne trouverez guère
âme qui "vibre"
dans cette étuve
Je suis aux temples de ma ville
terres d'ombres et d'exil
où chaque pierre
ainsi taillée
dressée
altière
infirme l'homme
affirme des faits
confirme l'infini
Si la voûte céleste
est affaire divine
ces voûtes là
sont subsistance
mémoire
ce qu'il reste de
souffrances 
anonymes
tant et temps
de beauté 
cette même beauté
 jaillissant 
du coup de pioche
qui sépare 
la roche
du minerai
Une église
c'est une équation
ultime
démonstration d'absolu
tentative désespérée
de reproduire l'univers
de capturer Dieu
C'est un crime
presque parfait
On a contraint les cieux
à avorter
pour que les siècles
Eux
dans la poussière
dans le sang
enfantent 
des croix
Et les flèches des églises
instruments chirurgicaux
d'une terrifiante précision
curètent le Très Haut
encore et en corps





RAISON CLOSE

Des Ans chantés par nos deux coeurs
 Melancholia des temps nouveaux
qui redessine sur mon front blême
le cher souvenir de ta peau

Il faudrait un de ces hasards
pour que j'en retrouve l'odeur
Musc et Musique des voiles
qu'alors revêtiront tes chairs

Belle alanguie sur des nuages
plus sombres qu'un cortège en pleurs
Tu répandais certaines grâces
comme une lune pleine embrasse

Je suis ce chat au haut de forme
obnubilé par tes cambrures
Celui qui voit mieux que les hommes
ce qu'une âme compte de ratures

Je suis le Mal Inquisiteur
dans la pénombre d'un bordel
ou bien ce rat qui toute à l'heure
fuyait de veines en venelles

Chaque Fragrance a Madeleine
sa concubine inavouée
la lente et douloureuse peine
qui vient sucer l'éternité!

J'ai laissé choir le verre d'absinthe
sur le plafond du vieil hôtel
Tu n'étais plus que longue plainte
parmi les cris des maquerelles

J'suis pas foutu d'éjaculer
Pas plus foutu de t'oublier
Aurais je écrit mon dernier vers?
Ce vers d'absence au pied chimère...




Delirium Tremens


Mon acide bucolique
Aube à large volant
T'ai-je déjà dit
que le vers ne vaut rien
si tu n'effleures plus ma plume

Ma bayeuse aux étoiles
Fille de l'ombre, belle
Que puis-je écrire - Quand 
vertu si petite soit elle
point ne fait la grandeur

De nos ivraies complexes
De nos A circonflexes

Absence est mer à boire
-Juré!-
Mes yeux, ces dés à coudre
- Craché!-
où des lunes sourdes et noires
sournoisement se noient

Les vraies promesses jamais ne tiennent

Voici le grain! Voici l'ivresse!
Le sang résonne comme un métal
et du pavé jusqu'au heurtoir
Eddy titube
Eddy trébuche

Il est un parallèle sous lequel
les brumes se confondent en écumes
puis dessinent des voiles
bien plus blanches qu'Egée

Je ne verrai pas ces autres peines
ces morgues rues, ce mal en fleur
Car Baltimore ouvre sa gueule
pleine de crows
déchire hard heur'
comme une lune
de ses crocs
lacère le ciel

Chapeau s'envole!
Voici la Mort!





 

vendredi 16 juin 2023

Histoire ordinaire

La marchande de papier - de papier d'Arménie
tout le jour déambule dans les rues de Paris
Son chat persan perché sur son épaule
Ce chat persan à l'œil percé - Que c'est drôle
Un chat pelé qu'elle porte comme une croix
comme un tumeur enflant et ronronnant
Un destin de bossue qui zig ici zag là
D'impasse en porche - de porche en pont
C'est une histoire de petit chaperon

Le Poète a promis de parler de sa vie
Ce poète cabot qui l'appelle "Chat Beauté"
Qui caresse sa peau, qui apaise son mal
puis pénètre ses chairs dépenaillées
et qui chaque fois repart au point du jour
quand le sommeil viendrait à point nommé
Mais les bruits de la ville causent aux pauvres
une langue sinistre, une histoire de survie.